L'Aigle jacobin

L'Aigle jacobin

Vive l’Empereur, à bas les iconoclastes !

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Serviteur de l’Empereur, je ne puis rester insensible à la polémique relative à la statue napoléonienne de Rouen. En effet, le nouvel édile de la ville, Nicolas MAYER-ROSSIGNOL, a décidé de ne pas remettre ladite statue sur son emplacement d’origine, à l’issue de sa restauration. Il ne s’agit aucunement, selon le maire, de mettre cette œuvre au rebut, mais plutôt de la déplacer en un autre endroit de la cité, au profit d’une « figure féminine ». Cette annonce peut sembler anecdotique. Néanmoins, elle recèle une immense portée symbolique. Veiller à l’intérêt des effigies impériales et donc à l’héritage napoléonien, c’est en réalité défendre une certaine conception de la France.

 

Même si, à ma connaissance, ce n’est pas l’action de l’Empereur en matière d’esclavage qui est pointée du doigt ici, il me semble nécessaire de faire un point sur cette thématique car, bien souvent, une certaine gauche accable Napoléon Ier à ce sujet. 
Protéger le leg de l’Empire, c’est en réalité porter haut les couleurs de l’universalisme français, dont la République est la forme sublimée.

 

 

 

L’esclavage de 1791 à l’an XXVI

 

L’abolition de l’esclavage a rencontré de multiples résistances, notamment de la part des colons, qui ne voulaient pas que la manne économique dont ils jouissaient disparaisse. Toutefois, grâce aux efforts de certains, dont Robespierre, qui déclara, dès 1791: « Périssent les colonies plutôt qu’un principe !  Périssent les colonies, s’il doit vous en coûter votre bonheur, votre gloire, votre liberté »1, la situation évolua favorablement.

 

C’est ainsi que la convention, par décret du 16 pluviôse an II2, abolit l’esclavage dans l’ensemble des colonies. Cependant, en raison de l’éloignement de ces dernières par rapport à la métropole et de la supériorité navale de l’Angleterre, il a été difficile de faire appliquer ledit décret. Cet acte politique a donc eu une très faible portée. En Guadeloupe est par exemple institué un travail "libre" obligatoire qui n’a, malheureusement, pas réellement changé le sort des infortunés esclaves. En Martinique, ce décret n’a pu produire d’effet car l’île fut occupée par les Anglais jusqu’en germinal X.

 

Le 30 floréal X, le décret de l’an II fut abrogé par le Premier consul. Il est vrai que cette abrogation est une tâche indélébile sur l’histoire de l’épopée impériale. Cette décision, même si elle ne fut pas gratuite, car guidée par des intérêts économiques importants, n’en demeure pas moins une infamie pour tout jacobin. Toutefois, il serait peut-être plus exact de parler ici de non-abolition que de rétablissement pur et simple de l’esclavage, dans la mesure où le décret de l’an II n’a été que très partiellement appliqué.

 

Cette souillure, si elle ne doit pas être minimisée, est néanmoins à nuancer par le retour du souverain lors des Cent-Jours. Le 7 germinal XXIII, soit seulement neuf jours après son arrivée à Paris, l'Empereur abolit officiellement la traite des noirs3. Bien évidemment, cela n’excuse en rien la faute de floréal X. En revanche, j’ai la faiblesse de penser que l’abolition de XXIII traduit la véritable pensée du rival de Louis XVIII à propos de l’esclavage, dans la mesure où les impératifs économiques n’étaient plus aussi cruciaux qu’auparavant. Hélas, en raison de la chute du régime, après Waterloo, cette abolition s’est retrouvée caduque et il a fallu attendre le 25 germinal XXVI pour qu’elle soit effectivement consacrée, de manière imparfaite, par une loi royale.

 

 

L’Empereur : porte-étendard de l’idéal républicain

 

Je souhaite combattre ceux qui veulent occulter, sciemment ou non, l'incroyable épopée impériale, mais également ceux qui font de l’Empereur une sorte de champion du conservatisme. Pour certains, Napoléon Ier serait un héros conservateur, garant d’un ordre social et moral rêvé par Adolphe Thiers. Comme jacobin, j’affirme que si le régime a contribué à restaurer l’ordre, c’est avant tout pour mener à bien l’effort de guerre, destiné à anéantir les monarchies réactionnaires, coalisées contre la France. Le révolutionnaire Carnot, organisateur de la Victoire, voyait-il les choses différemment ?

 

La République se définit par des symboles. Je pense ici à son drapeau et à son hymne. Nul ne pourra nier que la propagande impériale a repris à son compte le Chant du départ, concurrent de la Marseillaise, ainsi que le drapeau tricolore, honnis par les légitimistes. Cet appel de la République, Guillaume Brune, l’un des maréchaux d’Empire, l’a si bien entendu qu’il lui a coûté la vie le 14 thermidor XXIII.

 

La République française, telle qu’elle est décrite par Ernest Renan, se caractérise par une volonté d’appartenance qui se traduit, elle-même, par l’adoption du droit du sol et par le rejet du droit du sang. Comment oublier alors que pour l’Empereur, « Tout individu né en France est Français » ?

 

La République, c’est la liberté de conscience. Alors que les thuriféraires conservateurs voient dans le Concordat un moyen d’assigner, à nouveau, à la France son rôle de fille aînée de l’Église, nous, les jacobins, y reconnaissons une promesse émancipatrice. Le catholicisme n’était plus la religion de l’État mais bien de la majorité des Français. Les citoyens de confession juive et musulmane, de même que les athées, étaient donc libres de croire comme ils l’entendaient ou bien de ne pas croire.

 

La République est fondée sur le mérite. Elle ne saurait donc récompenser que ceux qui ont « bien mérité de la Patrie » pour reprendre la célèbre formule de la Convention. Quels hommes ont davantage mérité de la Patrie que les soldats de la Grande Armée qui recevaient, des mains mêmes de leur « Petit caporal », la croix de la légion d’honneur ?

 

La République, c’est enfin affronter le mur de l’argent si ce dernier se heurte à l’intérêt général. Lorsque le créateur de la Banque de France affirmait :  «  L'argent n’a pas de patrie ; les financiers n'ont pas de patriotisme et n'ont pas de décence; leur unique objectif est le gain. » ne défiait-il pas ouvertement le mur de l’argent ?

 

Nul ne saurait le nier, l’Empire fut un régime autoritaire et ce dès son origine. Nonobstant cette considération, on voit bien, si l’on accepte d’y regarder de plus près, que l’immortel vainqueur d’Austerlitz fut, par une ruse de la Raison, un fervent serviteur de l’idéal républicain. Il serait donc absurde de le considérer comme un conservateur à mettre au ban de la Nation.

 

 

 

 

Le second mari de Joséphine de Beauharnais a eu un rôle plus qu’ambigu en matière d’esclavage. Refuser cet état de fait confinerait à un révisionnisme historique qu’il conviendrait de condamner. Cependant, à l’image de la Révolution qu’ils continuent, je demande à ce que le Consulat et l’Empire soient considérés comme un seul bloc. En somme, il ne serait pas honnête de dissocier les décrets des années X et XXIII.

 

Enfin, malgré la faute de l’an X, il est évident que l’Empereur s’inscrit dans la continuité révolutionnaire et qu’il s’oppose aux réactionnaires, de Vienne ou d’ailleurs. C’est avec cette conviction profonde que je te demande, Citoyen maire de Rouen, de bien vouloir remettre la statue impériale à la place qui lui revient de droit.

 

 

Charles-Louis Schulmeister,

Le 6ème jour sans-culottide de l’an CCXXVIII de la République française

 

 

1https://www.revuepolitique.fr/rehabiliter-robespierre/?fbclid=IwAR39nBUHwN0Xjm6OeYT14QKG5MUBMqszBR-6ntjdHa0_r7tjnJQIQItsNb4

 

2https://histoire-image.org/fr/etudes/premiere-abolition-esclavage-1794?fbclid=IwAR1Py6n39nhSUutuFrY-B2um5eHAAQFLGmgsqZ59DxiNeE6csCVIAK9Altw

 

3https://fr.m.wikipedia.org/wiki/D%C3%A9cret_imp%C3%A9rial_abolissant_la_traite_des_Noirs?fbclid=IwAR34nlf01plmDOJRoyRUcxQTCj9Z3NWZ9XV8MDQmNtZFVH5T6zitk3_XHwE


21/09/2020
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Le caritatif, voilà l’ennemi !

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Chacun se souvient de ces chaudes heures de floréal LXXXV où l’illustre Cadurcien, Léon Gambetta, dénonçait le cléricalisme comme étant l’un des suprêmes ennemis de la République. Il convient de distinguer la religion, qui n’est qu’une boussole idéologique, du cléricalisme, qui vise à confisquer le noble sentiment religieux au profit d’une caste plus ou moins établie. Ce discours a permis à l’ancien chef de l’armée de la Loire de s’opposer à un régime qui, bien que n’étant pas officiellement une monarchie constitutionnelle, disposait de tous les oripeaux de l’orléanisme.

 

Se déclarer hostile au caritatif peut sembler absurde, voire cynique, de prime abord. J’assume néanmoins cette position. Tout l’objet du présent texte est de démontrer que, sous des atours généreux et engageants, la logique caritative constitue une aide extrêmement lacunaire, mieux, qu’elle est en vérité une manifestation de notre individualisme contemporain, contraire à l’idéal porté par la République jacobine.

 

L’essence même du caritatif réside en la défense d’une cause particulière, qui mérite que l’on y prête une attention spécifique, puisque l’Etat ne saurait y faire face. Toutefois, ce raisonnement est dangereux car il s’éloigne de l’intérêt général garanti par l’État républicain. À mon sens, la pensée caritative prône un affrontement des intérêts particuliers.

 

 

 

De l’associatif et du caritatif

 

À la lecture de mon avant-propos, mes contempteurs auraient beau jeu de dire que je raye, d’un trait de plume, tous les bienfaits que le milieu associatif apporte à la France. Il m’apparaît donc nécessaire de dissocier l’associatif du caritatif, que j’entends bien combattre.

 

Assurément, les associations sont essentielles dans bien des domaines : promotion du patrimoine, du lien social, de centres d’intérêt communs… Nul ne saurait nier leur apport pour la société. Je vois alors poindre la contradiction suivante : comment se déclarer en faveur de l’action associative si on lui refuse toute forme de financement ?

 

Toute association a besoin de fonds propres pour mener à bien son action, c’est un fait. Pour ce faire, elle a besoin de dons. Cependant, contrairement au caritatif, l’associatif se veut universel, il ne se limite pas à porter secours aux plus défavorisés. C’est paradoxalement cette idée que je condamne, car dans ce secteur, le monopole du cœur devrait revenir à l’État. Il est effet certain que porter secours aux plus défavorisés est constitutif de notre pacte social.

 

En somme, il convient de vivifier le tissu associatif national partout où il ne s’agit pas d’une mission de première importance, qui ne saurait être exercée que par l’État.

 

 

Affrontements des intérêts particuliers contre intérêt général

 

Si nous, Jacobins, défendons à ce point l’État par rapport aux acteurs privés, c’est bien parce que nous sommes convaincus d’une chose : contrairement à ces derniers, la force de coercition au service de la Nation n’est guidée que par l’intérêt général, tout au moins lorsqu’elle est dirigée par un gouvernement vertueux.

 

Bien sûr, les intérêts particuliers peuvent défendre une cause noble, il serait ridicule de le nier. Nonobstant cette remarque, il faut formuler la limite suivante : une cause noble ne saurait se rattacher qu’à un intérêt particulier bien défini. Il y a donc autant de combats caritatifs que d’intérêts particuliers.

 

C’est à mon sens dans cette constatation que réside le péché mortel de l’action caritative : elle se voit contrainte de hiérarchiser les causes, pire de les mettre en concurrence pour faire en sorte que les dons reviennent à l’association que l’on promeut et non à une autre.

 

 

Le pathos comme principe d’action

 

Nous venons d’en convenir, le caritatif induit une hiérarchisation des combats portés par ses différents acteurs. L’objectif est d’attirer les dons pour contribuer à une cause plutôt qu’à une autre.

 

Ce « désordre moral » est intrinsèquement choquant pour un Républicain, mais le caractère néfaste du caritatif ne s’arrête pas à ce constat. À l’image des démagogues antiques, les thuriféraires de ce mode d’action se sont aperçus que le pathos est un levier bien plus commode à manier que le logos. Effectivement, pour disposer de plus de dons que les autres, il est indispensable de choquer le donateur en puissance, afin qu’il participe à la lutte soutenue par l’association, quitte à se livrer à des campagnes de publicité parfois obscènes.

 

Avec ce procédé, l’individu donne moins par adhésion à une cause que par culpabilité. Le but est, avant tout, de soulager sa conscience selon la pratique cléricale bien connue des indulgences, or il n’est pas besoin de rappeler les conséquences qu’a eu le commerce de ces dernières pour la religion catholique.

 

 

 

 

J’espère que chacun aura compris que la conception jacobine ne vise pas à supprimer purement et simplement toutes les activités caritatives. Son souhait est d’en dénoncer le fonctionnement et d’assurer le retour à une gestion étatique de l’ensemble des causes, aujourd’hui défendues de cette manière, car elles sont, bien souvent, légitimes.

 

En République, c’est donc à l’appareil d’État de s’occuper de ces questions afin d’assurer un financement juste, grâce à un impôt progressif et direct. J’ajouterai d’ailleurs que si les dons aux associations sont aujourd’hui si nombreux, c’est bien parce qu’ils sont, pour partie, exonérés d’impôt.

 

Il n’est pas tolérable, pour un Jacobin, que le degré de sensibilité à telle ou telle cause continue à être l’étalon de financement de cette dernière. Il faut en finir avec cet individualisme mortifère, les causes portées par les organismes caritatifs méritent d’être défendues par la seule péréquation républicaine.

 

 

Charles-Louis Schulmeister,

Le 30 thermidor de l’an CCXXVIII de la République française

 


16/08/2020
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De la supériorité de la vision sur le projet

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« Parce que c’est notre projet ! » déclara Emmanuel MACRON lors de la dernière campagne présidentielle. Cet engouement avéré pour le projet, de la part de celui qui est désormais à la tête de l’Etat, prouve bien combien ce phénomène marque notre société. De même, quel citoyen n’a jamais eu affaire, dans le cadre professionnel ou même privé, à un projet ? Il est d’ailleurs de bon ton, si l’on veut être dans l’air du temps, de travailler « en mode projet ».

           
Et pourtant, ce projet tant adulé est loin de n’avoir que des aspects positifs. En effet, dans son étymologie même, il implique une fuite en avant plus que néfaste pour la République sociale, si chère à nos yeux de jacobins. Ce n’est pas le cas de la vision, que tout politique digne de ce nom se doit d’avoir, s’il entend réellement servir les intérêts de sa Patrie. Contrairement au projet, la vision est bien moins réductrice puisqu’elle embrasse non seulement le présent, mais également le passé, pour mieux appréhender le futur. En outre, là où le projet est uniquement dirigé vers le profit, quel qu’il soit, la vision est, elle, bien plus altruiste.

 

 

Un bien funeste projet

 

 

Si l’on se réfère à l’étymologie du nom « projet », l’on se rend compte qu’il vient du latin projectum , qui signifie littéralement « jeter quelque chose en avant ». Cette idée implique une notion de croissance puisque le fait de se « jeter en avant » nécessite de s’améliorer sans cesse et de se développer. Le « mode projet » correspond donc à une croissance infinie puisque l’on ne cesse de se projeter.

 

Cette relation symbiotique, qu’entretiennent projet et croissance, explique aisément le fait que le capitalisme se soit emparé du projet. En effet, sans prôner une décroissance, qui paraît hasardeuse, chacun sera d’accord pour admettre que le capitalisme a besoin de la croissance, c’est-à-dire de l’accumulation des richesses par le contrôle des moyens de production, afin de perdurer.

 

Si l’on peut envisager une croissance dans différents domaines, le projet capitaliste ne laisse guère de doute quant au type de croissance escomptée. Il s’agit évidemment d’une croissance économique. Alors bien sûr, tous les projets ne seront pas directement présentés comme étant des moyens d’accroître le chiffre d’affaire de l’entité qui les promeut. Cependant, si l’on y regarde bien, tous les projets ont une finalité économique. Un projet d’amélioration de la qualité de vie au travail ? Cela permet d’améliorer la productivité des employés et donc le chiffre d’affaire de l’entreprise. Un projet d’espace convivialité ? Cela permet aux employés de mieux se connaître et de mieux travailler ensemble afin d’améliorer, encore, le chiffre d’affaire. Un projet de télétravail ? Cela permet aux employés de mieux travailler, mais aussi de libérer des espaces de bureau et donc, encore et toujours, d’améliorer le chiffre d’affaire de la firme qui met en œuvre tous ces projets.

 

Il est vrai qu’il n’y a rien de choquant à ce qu’une compagnie privée soit tournée vers le seul profit, c’est même sa raison d’être. En revanche, lorsque ces méthodes de travail sont reprises par l’administration publique, cela pose réellement question. Faire des économies peut servir l’intérêt général, mais l’intérêt général n’est pas de faire des économies, même si en ces temps faibles pour l’Etat, cette idée séduit nombre de responsables politiques.  Il serait donc absurde de n’envisager l’action publique qu’à travers le projet, car cette action se nourrit bien souvent du passé et exige la mise en place d’infrastructures non-rentables.

 

 

La vision de l’Etat

 

 

Comme le projet, la vision contribue à une certaine idée du futur, si ce n’est qu’elle est bien plus pertinente, car elle ne se cantonne pas qu’au seul secteur économique, comme c’est le cas du projet. En outre, là où le projet a une dimension nihiliste, puisqu’il ne sait que se projeter, la vision est plus intéressante car elle est un élan qui sait aussi regarder en arrière. Il n’y a donc pas de vision de l’avenir qui tienne sans ancrage solide dans l’Histoire. « Les Révolutionnaires sont des héritiers » disait Régis Debray.

 

L’avantage d’être libéré du seul prisme du profit, c’est que l’on peut appréhender l’avenir selon le principe de gratuité. Par gratuité, je n’entends pas supposer que la vision ne coûte rien, cette dernière peut nécessiter énormément de temps ou même d’hommes. Je veux signifier ici que la vision est gratuite parce qu’elle ne rapporte pas nécessairement. En effet, là où le projet est intéressé et se doit de rapporter à plus ou moins court terme, la vision peut s’envisager à perte, pour rester dans le vocable de l’économie.

 

Quel est l’intérêt alors d’utiliser un tel concept ? Et bien c’est justement dans cette gratuité que réside le génie de l’intérêt général. L’action de l’Etat se doit d’être parfois à perte pour permettre l’accès de tous les citoyens à l’ensemble des ressources disponibles. Il s’agit là du principe de péréquation républicaine qui fait, par exemple, que l’on paye son timbre plus cher en région parisienne pour qu’il ne soit pas hors de prix en Lozère. Qu’est-ce qu’un service public, qui n’aurait d’autre horizon que la rentabilité, pourrait apporter de plus qu’un opérateur privé qui exercerait la même activité ? La vision, contrairement au projet, est donc compatible avec le principe d’Egalité qui est la base même de la République jacobine.

 

 

 

En somme, il est possible de se projeter, pour s’épanouir individuellement au nom de la liberté d’entreprendre. Néanmoins, dès lors que l’on envisage l’action de l’Etat, c’est-à-dire de l’incarnation administrative de la Nation, on ne saurait raisonner autrement qu’en échafaudant, petit à petit, une vision de l’action publique. Cela ne signifie pas pour autant qu’il ne faille pas gérer les deniers publics avec le plus de sérieux possible, mais plutôt que cette bonne gestion se doit de servir un dessein plus grand qu’elle : l’universalisme français !

 

 

 

Charles-Louis Schulmeister, 

Le 3 vendémiaire de l’an CCXXVIII de la République française


24/09/2019
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La juste imposition, essence de la République

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« Je jure […] de ne lever aucun impôt, de n'établir aucune taxe qu'en vertu de la loi […] » déclara l’Empereur le 28 floréal an XII. Treize ans plus tard, la constitution du 2 floréal XXIII précisait, en son article 36, que « toute proposition d'impôt, d'emprunt, ou de levée d'hommes, ne peut être faite qu'à la Chambre des représentants », c’est-à-dire uniquement avec le consentement des représentants du Peuple.         
Ces affirmations impériales trouvent leur source dans l’étymologie même du substantif « républicain ». En effet, si le publicain est celui qui était chargé du prélèvement de l’impôt, le républicain n’est-il pas celui qui doit veiller, d’une part à ce que cette perception soit la plus juste possible et d’autre part à répartir au mieux le produit de ladite perception ?

Au-delà du lien consubstantiel qu’entretient la République avec l’impôt, il est bien évident que ce dernier est nécessaire à la bonne marche de l’Etat. Certes, il est toujours possible de se livrer à quelques expédients pour des besoins ponctuels. Je pense ici aux partenariats public-privé notamment, partenariats que la doxa libérale érige en pratique récurrente, incontournable et massive. Néanmoins, nous jacobins, qui souhaitons que l’Etat puisse agir partout où est la Nation, ne pouvons point nous satisfaire de telles pratiques. Ainsi, l’argent public est nécessairement le produit de l’impôt, c’est-à-dire de la volonté de tous les citoyens de contribuer à l’intérêt général de la France.

 

 

Une imposition directe nécessairement progressive

 

 

En matière d’imposition, qu’elle soit directe (impôt pour lequel il y a identité entre l’assujetti (celui qui doit d’après les textes s’acquitter de l’impôt) et le redevable (celui qui est en dette par rapport au fisc et qui supporte le coût du paiement[1])  ou indirecte, il convient de distinguer l’imposition proportionnelle et l’imposition progressive.            


L’imposition proportionnelle fonctionne avec un taux fixe, applicable à tous. Les économistes classiques diront que puisqu’il s’agit d’un taux et non d’un montant précis, l’égalité de tous les citoyens devant l’impôt est respectée. Il est vrai que 10 % de 1 000 francs, soit 100 francs, représentent moins en valeur absolue que 10 % de 20 000 francs, soit 2 000 francs. Néanmoins, les orléano-girondins qui font cette analyse oublient de préciser que ce pourcentage d’imposition s’appuie sur des revenus qui sont, eux, bien différents. Ainsi, pour la personne qui ne gagne que 1 000 francs par mois, les 100 francs prélevés seront bien plus durement ressentis que les 2 000 francs demandés à celle gagnant 20 000 francs, même si elles ont toutes les deux versé 10 % de leur salaire.        
           
Pour un authentique républicain, l’imposition directe, sur le revenu, ne saurait donc être proportionnelle et se doit d’être  progressive. Avec la progressivité, il n’y a plus de taux unique mais des seuils qui varient en fonction des ressources dont dispose chaque citoyen. À mon sens, ce mode d’imposition peut cependant conduire à deux écueils principaux :    
- l’effet de seuil qui pourrait conduire certains à ne pas vouloir s’élever davantage dans la société (le passage à une tranche d’imposition supérieure annihilant le gain financier engendré par une hausse de salaire) ;           
- l’impôt progressif est moins efficace car beaucoup de contribuables ne gagnent pas assez pour être imposables.

Le premier problème peut se régler en augmentant considérablement le nombre de tranches d’imposition pour limiter le « choc fiscal » occasionné par le passage de l’une à l’autre. Les cinq tranches actuelles de l’impôt sur le revenu sont donc clairement insuffisantes.  
La seconde limite est plus problématique car elle est plus difficile à contourner. En effet, l’efficacité relative de l’impôt progressif est aussi ce qui en fait un impôt juste. Il convient donc de bannir la proportionnalité de l’imposition directe sur les salaires pour ne la réserver qu’à la fiscalité indirecte.

 

 

Une imposition indirecte proportionnelle et sélective

 

 

Dans la mesure où la seule imposition directe retenue est progressive et donc insuffisante pour alimenter les caisses de l’Etat, d’autant plus qu’elle ne concerne que les revenus, il est indispensable de la compléter par une imposition indirecte proportionnelle sur les biens et services. Un tel choix étonnera sûrement mes lecteurs puisque j’ai dénoncé plus haut les effets des impôts proportionnels. En effet, ils sont inégaux, car plus on est indigent, plus on en ressent les effets. Néanmoins, cela n’est vrai que lorsque ces impôts frappent l’ensemble des biens et services, y compris ceux de consommation courante, comme c’est le cas avec la taxe sur la valeur ajoutée (TVA).

 

Pour que ce nouvel impôt proportionnel et indirect puisse contribuer à un système fiscal plus juste, il est impératif qu’il ne soit pas appliqué aux articles les plus couramment achetés, le fameux « panier de la ménagère ». Toutefois, j’estime qu’il faut étendre cette non-application à tous les produits qui permettent la satisfaction des besoins primaires (nourriture, santé et logement). Le but est simple : éviter que ce nouvel impôt n’afflige les plus modestes, comme c’est le cas de l’actuelle TVA.

 

Il conviendra donc de dresser l’inventaire de l’ensemble des activités auxquelles les citoyens les plus riches peuvent s’adonner et de les découper en « tranches de besoin », qui se verront elles-mêmes attribuer un taux unique d’imposition (d’où le caractère proportionnel de ce nouvel impôt). Plus la tranche de besoins s’éloignera des préoccupations primaires, plus elle sera marquée par un taux d’imposition important.

 

Ne nous méprenons pas, il ne s’agit nullement de punir les citoyens les plus riches, mais bien de favoriser les plus humbles. L’enrichissement personnel n’est pas à blâmer car plus on est riche, plus on peut participer à la félicité nationale. Les classes équestres et sénatoriales n’avaient-elles pas l’honneur d’être les mieux armées pour défendre les intérêts de Rome ? C’est donc un esprit d’évergétisme contemporain qu’une juste imposition doit contribuer à développer chez les citoyens les plus aisés. Ces derniers ont toute leur place dans la Nation car ils la font prospérer, mais ils doivent se souvenir qu’au-delà de la richesse, ils sont en tous points égaux aux autres et c’est bien là que doit résider leur sublime orgueil.

           

 

 

En somme, le système fiscal jacobin pourrait se résumer de la façon suivante : une imposition directe progressive sur les revenus, associée à une imposition indirecte proportionnelle et sélective sur les biens et services, pour garantir à l’Etat les moyens, non seulement de son maintien, mais également de son expansion.

 

« Ce n’est point l’impôt qui nous fait citoyens ; la qualité de citoyen oblige seulement à contribuer à la dépense commune de l’État, suivant ses facultés. »    
Robespierre, le 6 pluviôse, an - II de la République française.

 

 

 

Charles-Louis Schulmeister, 

Le 27 fructidor de l’an CCXXVII de la République française



[1] D’après le site https://www.vie-publique.fr/decouverte-institutions/finances-publiques/ressources-depenses-etat/ressources/quelle-est-difference-entre-impots-directs-impots-indirects.html.


14/09/2019
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Vers l’armée jacobine

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Lorsque l’on croit aux vertus de l’État, comme c’est évidemment le cas de tout jacobin qui se respecte, il est impossible de ne pas traiter de la question militaire car, bien souvent, de la façon dont on appréhende cette dernière, dépend la survie même de la Nation. Il suffit de se rendre dans la cour d’honneur des Invalides pour s’en rendre compte. N’est-il pas inscrit, sur chacune des vénérables bouches à feu présentes, la devise suivante : « ultima ratio regum », littéralement « le dernier argument des rois »? Cette expression de Richelieu est si éloquente qu’elle ne nécessite aucune explication. Certes, la monarchie n’est plus, mais la République, forme sublimée de la France, doit-elle pour autant tirer un trait sur cet héritage pluriséculaire ? Nous sommes républicains, mais point nihilistes pour autant et nous savons qu’en matière de rapport de force entre États, ce qui était valable sous l’Ancien Régime l’est encore aujourd’hui. C’est pour cela qu’il nous faut réfléchir au rôle que l’armée devra jouer au service de la République jacobine, mais aussi à la latitude d’action que l’on souhaite lui conférer.

 

 

 

La Défense : vertu cardinale de l’armée républicaine

 

Certains peuvent penser qu’évoquer un ministère de la Défense ou bien un ministère de la Guerre revient au même. Je suis intimement convaincu du contraire. La défense est une tâche sacrée pour tout patriote, puisqu’elle sous-tend la protection du sol national. En revanche, « la guerre » est un substantif ambivalent puisqu’elle peut être défensive ou offensive. Il est évident que la deuxième occurrence n’est pas acceptable pour un jacobin dans la mesure où, comme le disait Robespierre « Personne n’aime les missionnaires armés ; et le premier conseil que donnent la nature et la prudence, c’est de les repousser comme des ennemis. ». Rappelons que cette phrase est extraite de son discours… sur la guerre. La chose est donc entendue, une conception républicaine de l’armée est nécessairement défensive.

 

Pour autant, la France doit être capable de défendre ses intérêts au-delà de ses seules frontières nationales, pour prêter assistance à une nation sœur ou bien pour garantir l’accès à des ressources vitales pour le pays. Notre modèle militaire doit donc pouvoir assurer la protection de la Patrie, mais également être doté d’une capacité de projection raisonnable. Il ne s’agit donc pas de disposer d’une dizaine de flottes aéronavales comme les États-Unis, d’une part cela n’est pas envisageable financièrement et d’autre part nous adopterions alors, nous aussi, un paradigme guerrier totalement étranger à l’universalisme français qui nous anime. Il est impossible de dresser une liste précise des moyens indispensables à notre armée. Toutefois, je pense qu’il nous faudrait pouvoir intervenir concomitamment sur deux théâtres d’opérations, tout en garantissant la sûreté du territoire français. Je doute, hélas que cela soit possible aujourd’hui, compte-tenu des effectifs dont nous disposons et surtout de la vétusté du matériel, je pense notamment aux véhicules de l’avant-blindé (VAB) et à la fournaise qui peut régner dans leur habitacle.

 

 

L’armée comme outil de promotion sociale

 

Jadis, le service militaire permettait à toutes les couches sociales de se retrouver pour faire France. Aujourd’hui, il n’est plus. Même s’il n’est officiellement que suspendu depuis 1997, il ne sera pas possible de le rétablir sous sa forme originelle en raison de la technicité qu’impose une armée contemporaine. Nous autres, thuriféraires de l’armée de l’an II et de la levée en masse, devons bien nous y résoudre, le maniement d’un fusil d’assaut de type bullpup, comme l’est le FAMAS, nécessite un apprentissage bien plus conséquent que le fusil Charleville modèle 1777 en son temps. Le principal défi d’une armée jacobine est donc de concilier promotion sociale et capacité opérationnelle.

 

C’est pour cela qu’il faut rétablir un service militaire mais considérablement rénové. À mon sens, l’apprentissage de la vie en collectivité induite par le casernement est fondamentale. Je reste persuadé que ce dernier renforce le collectif, sans nier pour autant les individualités. Néanmoins, si l’acquisition d’une culture militaire est primordiale pour retrouver le lien armée-nation, il serait absurde d’envisager le service militaire comme un moyen de former un contingent opérationnel, en raison de la tekne, évoquée plus haut, que cela exige. C’est d’ailleurs cette réflexion qui a guidé le Général dans l’écriture de son ouvrage Vers l’armée de métier. Bien évidemment, le service militaire permettra à tous de se familiariser avec le monde de la Défense et il devra continuer à être une porte d’entrée pour ceux qui voudront faire carrière au sein de la Grande muette. Pour la majorité des jeunes, il s’agira plutôt d’allier découverte de la culture militaire et stage dans l’univers professionnel de leur choix. Ainsi, les citoyens les plus brillants pourront prendre conscience des difficultés rencontrées par leurs camarades, tandis que les autres pourront amorcer un parcours professionnel, tout en ayant conscience d’appartenir à une communauté de destins.

 

 

Retrouver une indépendance stratégique

 

Il va de soi que l’armée française a pour vocation principale de défendre la France. C’est pour cela que les multiples livres blancs, consacrés aux questions militaires, n’ont cessé d’affirmer qu’« attribut essentiel de la Nation, la souveraineté est un fondement de la sécurité nationale. En affirmant dans son article III que « Le principe de toute souveraineté réside essentiellement dans la Nation. Nul corps, nul individu ne peut exercer d’autorité qui n’en n’émane expressément », la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen souligne que le maintien de la souveraineté nationale est une responsabilité essentielle du pouvoir politique. » (Livre blanc de Défense et de sécurité nationale de 2013).

 

À la lecture de cet extrait, on ne peut qu’être rassuré quant à notre indépendance stratégique. Malheureusement, ce même livre blanc dit aussi la chose suivante : « En réintégrant les structures du commandement intégré de l’OTAN, la France a entendu reprendre toute sa place dans le fonctionnement d’une organisation dont elle est l’un des membres fondateurs. ». En outre, nous sommes également liés par la politique de sécurité et de défense commune européenne, alors que chacun sait bien qu’il ne s’agit que d’un mirage, datant non pas de 2000 mais bien de 1954. Comme jacobin, j’affirme que prétendre être souverain, tout en étant sous le joug d’organisations militaires belliqueuses, dont le seul but est de défendre une supposée civilisation occidentale face au reste du monde, est au mieux un non-sens, au pire une trahison de l’idée républicaine. Pour retrouver une pleine et entière indépendance stratégique, nous devons donc sortir de ces machins et ne reconnaître comme seul acteur international légitime que l’organisation des nations unies.

 

 

Garantir notre autonomie opérationnelle

 

Tout observateur de l’actualité militaire a suivi l’affaire du remplacement du FAMAS par le HK 416. Certes, le premier était fabriqué en France, tandis que le second est de conception prussienne (le HK 416 est une réalisation de la firme Heckler & Koch) mais après tout, il ne s’agit que d’un fusil ! Malheureusement, ce changement d’arme est révélateur d’une profonde crise de notre complexe militaro-industriel. Ainsi, au-delà d’une présentation peu convaincante par l’armée (https://www.youtube.com/watch?v=mHvRFjk3Ei8), le fait qu’une nation avec une histoire militaire aussi riche que la nôtre ne puisse même plus concevoir son propre armement principal me semble préoccupant. Certains diront qu’il nous reste le Rafale et le Leclerc, mais le président de la République ne vient-il pas de lancer le projet « d’avion de combat du futur » en collaboration avec la Prusse ? Quant aux chars, le salon de l’armement terrestre Eurosatory de 2018 fut l’occasion pour Nexter et son homologue outre-Rhin, de présenter leur création commune : l’Euro Main Battle Tank. Il nous reste tout de même le système FELIN (Fantassin à Equipements et Liaisons Intégrés) produit par Safran sur notre sol… jusqu’en 2014 !


On le voit bien, notre complexe militaro-industriel est en lambeaux. Comment être indépendants si nous dépendons d’autres puissances et notamment de l’Allemagne, pour entretenir le matériel de notre armée… sans compter le fait que les faiblesses et les forces de nos principaux véhicules seront désormais parfaitement connues par nos voisins.

Il ne faut pas se faire d’illusion, nous ne pourrons pas rétablir la situation en un jour, la restauration d’une industrie militaire de pointe et reconnue comme telle internationalement, ne pourra se faire que sur le temps long. Évidemment, l’État devra mener une politique volontariste de soutien technologique et économique, mais cela ne suffira pas. Il faudra aussi et surtout récupérer des compétences et des savoir-faire irrémédiablement perdus et cela demandera du temps. Toutefois, cette démarche est impérative si l’on souhaite retrouver une puissance militaire digne de ce nom qui nous permettra, à nouveau, de peser sur le sort du monde.

 

 

Charles-Louis Schulmeister, 

Le 8 messidor de l’an CCXXVII de la République française 


27/06/2019
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