L'Aigle jacobin

L'Aigle jacobin

Contre la biologie politique

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Chacun sait que lorsque l’on met la biologie au service d’une doctrine politique, il faut s’attendre aux pires dérives possibles. En effet, l’association de ces deux termes fait tout de suite penser aux expérimentations médicales et autres abominations perpétrées par les nazis, au nom de leur effroyable doctrine politique. Bien évidemment, ces atrocités ont été condamnées comme elles le méritaient. L’accusation même de racisme suffit à provoquer l’ire de la société. Dans ces conditions, quel est l’intérêt d’un énième texte condamnant le racisme et même le racialisme ? À l’exception de la lie de l’extrême-droite, qui pourrait aujourd’hui mettre en avant des critères biologiques pour fonder tout ou partie d’une doctrine politique ? En réalité, même si les formes les plus virulentes de biologie politique semblent aujourd’hui avoir été éradiquées, il en reste des souches difficiles à neutraliser.

 

 

 

L’antispécisme

 

Ce courant de pensée a connu un regain de popularité avec la montée en puissance du mouvement « vegan ». Que les choses soient bien claires : le fait de refuser d’ingérer un aliment en raison de sa provenance relève de la croyance. En bon jacobin, je ne saurai donc m’y opposer, au nom de la liberté de conscience. Ainsi, l’on peut être catholique, juif ou bien vegan… pourvu que l’on adhère aux principes républicains qui placent l’Être suprême au-dessus de tout. Robespierre n’a-t-il pas dit que l’athéisme était aristocratique ?

 

Ce n’est donc pas le fait de privilégier tel ou tel aliment qui pose problème, mais bien celui de rejeter tous ceux qui s’alimentent différemment comme des parias.  Beaucoup de vegans se disent antispécistes. Cette doctrine politique consiste à ne pas faire de choix entre les espèces. Ce serait en somme l’égalité absolue entre tous les êtres vivants. Il est évident que l’être humain ne doit pas penser à lui seul, il doit envisager, non seulement son intérêt, mais également celui de son écosystème. Sous couvert de générosité, l’antispécisme peut être dangereux car il tend vers une philosophie politique proche de l’écologie radicale, selon laquelle il faudrait traiter tous les êtres vivants de la même façon, ou plutôt qu’il ne faudrait pas choisir entre une vie humaine et du lichen. Malgré les dires des antispécistes, il y a tout de même une différence entre ces deux espèces : l’une a une conscience, également appelée raison, tandis que l’autre n’existe que pour satisfaire ses besoins primaires. Si l’on y réfléchit bien, nier la biologie à ce point, n’est-ce pas une manière de l’ériger en principe politique absolu ? Nier cette différence fondamentale, c’est en réalité nier l’humanité. Pour autant, ériger une politique sur des critères purement biologiques est également une attitude anti-républicaine.

 

 

Les essentialismes liés au genre

 

Il est difficile de cibler ici une biologie politique en particulier car elles sont extrêmement nombreuses : féminisme, quotas ethniques, discriminations positives…  Elles ont cependant toutes en commun une chose : le fait de revendiquer un droit pour des raisons physiologiques. Il est évident que les femmes doivent acquérir une place plus importante en politique. Il est donc urgent d’instaurer une réelle parité pour qu’une proportion acceptable de femmes accède enfin aux responsabilités.  Les jeunes issus des quartiers défavorisés, bien souvent d’origine immigrée, n’arrivent pas à rentrer à Science Po, réservons-leur des places !    

La biologie politique ne serait donc plus un problème, mais bien un remède miracle à tous les maux de la société. Pourquoi n’y avons-nous pas pensé plus tôt ? Si ces solutions, relevant de la biologie politique, règleraient beaucoup de questions, elles n’en sont pas moins inacceptables pour les jacobins que nous sommes. Si l’on considère à nouveau les femmes, il faut s’interroger sur ce que l’on souhaite réellement : veut-on des responsables politiques féminins, uniquement parce que ces derniers seront issus du beau sexe ou, au contraire, voulons-nous des femmes politiques qui seront élues, non pour ce qu’elles sont, mais bien parce que leur programme politique sera regardé comme étant le meilleur pour la cité ? Pour favoriser l’ascension sociale des plus humbles, faut-il réserver un quota de places aux citoyens issus des banlieues sensibles ou faut-il faire en sorte qu’ils aient les mêmes chances de réussite que les autres ?

 

La République, disait Jaurès, c’est l’assemblée de rois. J’irai plus loin en disant qu’elle est une aristocratie universelle, les meilleurs citoyens sont donc tous les citoyens. Il faut donc non seulement ne laisser personne de côté, mais également faire en sorte de susciter le désir d’élévation spirituelle chez chacun. C’est pour cela que renvoyer un individu à son sexe, à un caractère intangible, qu’il n’a absolument pas choisi, est inacceptable pour la République française. Nous, jacobins, considérons que la méritocratie républicaine ne peut être démontrée que par sa pensée et par ses actes, en aucun cas par sa seule essence. Réserver certains droits à certains individus, c’est en somme permettre un retour à l’Ancien Régime. Ne disait-on pas des nobles qu’ils n’avaient qu’à se donner la peine de naître ? Cette primauté du sang sur l’esprit doit être combattue avec la détermination la plus absolue.

 

 

Le droit du sang

 

Le droit du sang n’a de place que dans la conception allemande de la nation. Malheureusement,  même en France, certains réclament l’instauration de cette biologie politique qu’est le droit du sang. Après tout, elle coexiste déjà dans notre pays avec le droit du sol. Pourquoi ne pas lui donner la primauté pour s’assurer que le sang français ne cessera jamais de couler ?

 

Cette idée séduit certains conservateurs qui, pour certains, aiment réellement la France. Néanmoins, affirmer cela, c’est avilir l’idée française, c’est ravaler notre nation au rang d’ethnie. Tout Français digne de ce nom, en disciple de Renan, sait que la Nation est un plébiscite de tous les jours. Il n’y a pas de sang français, mais bien un esprit français. Nous ne sommes qu’une idée, fragile, susceptible de disparaître à chaque instant. Toutefois, c’est justement parce que nous ne sommes qu’une idée, une modeste lueur, que nous pouvons prétendre à éclairer l’univers. Voilà, la seule prétention du génie français. Comme l’a dit l’Empereur, « tout individu né en France est donc Français ».

 

Faut-il donc rejeter absolument toute acquisition de la nationalité par le sang ? Évidemment non, car cela créerait une insécurité juridique pour l’ensemble de nos ressortissants qui vivent à l’étranger. En outre, il est un droit du sang qui sublime la Nation et le sentiment d’appartenance à cette dernière. Il s’agit du sang versé. Quel plus beau pied de nez à la biologie politique que de choisir de mettre sa propre essence au service d’une cause qui nous dépasse ? C’est en vertu de ce principe que j’estime que tout individu qui choisira de verser son sang pour la France, devrait pouvoir se voir proposer le plus beau titre qui soit au monde : celui de citoyen de la République française !

 

 

 

On l’a vu, la biologie politique est protéiforme, elle peut avoir des effets plus ou moins pervers. Néanmoins, il convient de la rejeter absolument car elle confine à un état de nature dont il serait impossible de sortir. La République, c’est tout l’inverse, c’est être persuadé que tout être, quelle que soit son origine, est capable de s’élever, pourvu qu’il en ait le désir. Toutefois, il ne faut pas nier non plus la biologie comme le font les antispécistes, car elle se rappellerait à nous de bien cruelle façon. La République est donc un équilibre entre écologie et humanisme radicaux.

 

 

Charles-Louis Schulmeister,
le 27 floréal, de l’an CCXXVII de la République française



16/05/2019
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