L'Aigle jacobin

L'Aigle jacobin

Vers l’armée jacobine

Valmy_battle.jpg

 

 

Lorsque l’on croit aux vertus de l’État, comme c’est évidemment le cas de tout jacobin qui se respecte, il est impossible de ne pas traiter de la question militaire car, bien souvent, de la façon dont on appréhende cette dernière, dépend la survie même de la Nation. Il suffit de se rendre dans la cour d’honneur des Invalides pour s’en rendre compte. N’est-il pas inscrit, sur chacune des vénérables bouches à feu présentes, la devise suivante : « ultima ratio regum », littéralement « le dernier argument des rois »? Cette expression de Richelieu est si éloquente qu’elle ne nécessite aucune explication. Certes, la monarchie n’est plus, mais la République, forme sublimée de la France, doit-elle pour autant tirer un trait sur cet héritage pluriséculaire ? Nous sommes républicains, mais point nihilistes pour autant et nous savons qu’en matière de rapport de force entre États, ce qui était valable sous l’Ancien Régime l’est encore aujourd’hui. C’est pour cela qu’il nous faut réfléchir au rôle que l’armée devra jouer au service de la République jacobine, mais aussi à la latitude d’action que l’on souhaite lui conférer.

 

 

 

La Défense : vertu cardinale de l’armée républicaine

 

Certains peuvent penser qu’évoquer un ministère de la Défense ou bien un ministère de la Guerre revient au même. Je suis intimement convaincu du contraire. La défense est une tâche sacrée pour tout patriote, puisqu’elle sous-tend la protection du sol national. En revanche, « la guerre » est un substantif ambivalent puisqu’elle peut être défensive ou offensive. Il est évident que la deuxième occurrence n’est pas acceptable pour un jacobin dans la mesure où, comme le disait Robespierre « Personne n’aime les missionnaires armés ; et le premier conseil que donnent la nature et la prudence, c’est de les repousser comme des ennemis. ». Rappelons que cette phrase est extraite de son discours… sur la guerre. La chose est donc entendue, une conception républicaine de l’armée est nécessairement défensive.

 

Pour autant, la France doit être capable de défendre ses intérêts au-delà de ses seules frontières nationales, pour prêter assistance à une nation sœur ou bien pour garantir l’accès à des ressources vitales pour le pays. Notre modèle militaire doit donc pouvoir assurer la protection de la Patrie, mais également être doté d’une capacité de projection raisonnable. Il ne s’agit donc pas de disposer d’une dizaine de flottes aéronavales comme les États-Unis, d’une part cela n’est pas envisageable financièrement et d’autre part nous adopterions alors, nous aussi, un paradigme guerrier totalement étranger à l’universalisme français qui nous anime. Il est impossible de dresser une liste précise des moyens indispensables à notre armée. Toutefois, je pense qu’il nous faudrait pouvoir intervenir concomitamment sur deux théâtres d’opérations, tout en garantissant la sûreté du territoire français. Je doute, hélas que cela soit possible aujourd’hui, compte-tenu des effectifs dont nous disposons et surtout de la vétusté du matériel, je pense notamment aux véhicules de l’avant-blindé (VAB) et à la fournaise qui peut régner dans leur habitacle.

 

 

L’armée comme outil de promotion sociale

 

Jadis, le service militaire permettait à toutes les couches sociales de se retrouver pour faire France. Aujourd’hui, il n’est plus. Même s’il n’est officiellement que suspendu depuis 1997, il ne sera pas possible de le rétablir sous sa forme originelle en raison de la technicité qu’impose une armée contemporaine. Nous autres, thuriféraires de l’armée de l’an II et de la levée en masse, devons bien nous y résoudre, le maniement d’un fusil d’assaut de type bullpup, comme l’est le FAMAS, nécessite un apprentissage bien plus conséquent que le fusil Charleville modèle 1777 en son temps. Le principal défi d’une armée jacobine est donc de concilier promotion sociale et capacité opérationnelle.

 

C’est pour cela qu’il faut rétablir un service militaire mais considérablement rénové. À mon sens, l’apprentissage de la vie en collectivité induite par le casernement est fondamentale. Je reste persuadé que ce dernier renforce le collectif, sans nier pour autant les individualités. Néanmoins, si l’acquisition d’une culture militaire est primordiale pour retrouver le lien armée-nation, il serait absurde d’envisager le service militaire comme un moyen de former un contingent opérationnel, en raison de la tekne, évoquée plus haut, que cela exige. C’est d’ailleurs cette réflexion qui a guidé le Général dans l’écriture de son ouvrage Vers l’armée de métier. Bien évidemment, le service militaire permettra à tous de se familiariser avec le monde de la Défense et il devra continuer à être une porte d’entrée pour ceux qui voudront faire carrière au sein de la Grande muette. Pour la majorité des jeunes, il s’agira plutôt d’allier découverte de la culture militaire et stage dans l’univers professionnel de leur choix. Ainsi, les citoyens les plus brillants pourront prendre conscience des difficultés rencontrées par leurs camarades, tandis que les autres pourront amorcer un parcours professionnel, tout en ayant conscience d’appartenir à une communauté de destins.

 

 

Retrouver une indépendance stratégique

 

Il va de soi que l’armée française a pour vocation principale de défendre la France. C’est pour cela que les multiples livres blancs, consacrés aux questions militaires, n’ont cessé d’affirmer qu’« attribut essentiel de la Nation, la souveraineté est un fondement de la sécurité nationale. En affirmant dans son article III que « Le principe de toute souveraineté réside essentiellement dans la Nation. Nul corps, nul individu ne peut exercer d’autorité qui n’en n’émane expressément », la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen souligne que le maintien de la souveraineté nationale est une responsabilité essentielle du pouvoir politique. » (Livre blanc de Défense et de sécurité nationale de 2013).

 

À la lecture de cet extrait, on ne peut qu’être rassuré quant à notre indépendance stratégique. Malheureusement, ce même livre blanc dit aussi la chose suivante : « En réintégrant les structures du commandement intégré de l’OTAN, la France a entendu reprendre toute sa place dans le fonctionnement d’une organisation dont elle est l’un des membres fondateurs. ». En outre, nous sommes également liés par la politique de sécurité et de défense commune européenne, alors que chacun sait bien qu’il ne s’agit que d’un mirage, datant non pas de 2000 mais bien de 1954. Comme jacobin, j’affirme que prétendre être souverain, tout en étant sous le joug d’organisations militaires belliqueuses, dont le seul but est de défendre une supposée civilisation occidentale face au reste du monde, est au mieux un non-sens, au pire une trahison de l’idée républicaine. Pour retrouver une pleine et entière indépendance stratégique, nous devons donc sortir de ces machins et ne reconnaître comme seul acteur international légitime que l’organisation des nations unies.

 

 

Garantir notre autonomie opérationnelle

 

Tout observateur de l’actualité militaire a suivi l’affaire du remplacement du FAMAS par le HK 416. Certes, le premier était fabriqué en France, tandis que le second est de conception prussienne (le HK 416 est une réalisation de la firme Heckler & Koch) mais après tout, il ne s’agit que d’un fusil ! Malheureusement, ce changement d’arme est révélateur d’une profonde crise de notre complexe militaro-industriel. Ainsi, au-delà d’une présentation peu convaincante par l’armée (https://www.youtube.com/watch?v=mHvRFjk3Ei8), le fait qu’une nation avec une histoire militaire aussi riche que la nôtre ne puisse même plus concevoir son propre armement principal me semble préoccupant. Certains diront qu’il nous reste le Rafale et le Leclerc, mais le président de la République ne vient-il pas de lancer le projet « d’avion de combat du futur » en collaboration avec la Prusse ? Quant aux chars, le salon de l’armement terrestre Eurosatory de 2018 fut l’occasion pour Nexter et son homologue outre-Rhin, de présenter leur création commune : l’Euro Main Battle Tank. Il nous reste tout de même le système FELIN (Fantassin à Equipements et Liaisons Intégrés) produit par Safran sur notre sol… jusqu’en 2014 !


On le voit bien, notre complexe militaro-industriel est en lambeaux. Comment être indépendants si nous dépendons d’autres puissances et notamment de l’Allemagne, pour entretenir le matériel de notre armée… sans compter le fait que les faiblesses et les forces de nos principaux véhicules seront désormais parfaitement connues par nos voisins.

Il ne faut pas se faire d’illusion, nous ne pourrons pas rétablir la situation en un jour, la restauration d’une industrie militaire de pointe et reconnue comme telle internationalement, ne pourra se faire que sur le temps long. Évidemment, l’État devra mener une politique volontariste de soutien technologique et économique, mais cela ne suffira pas. Il faudra aussi et surtout récupérer des compétences et des savoir-faire irrémédiablement perdus et cela demandera du temps. Toutefois, cette démarche est impérative si l’on souhaite retrouver une puissance militaire digne de ce nom qui nous permettra, à nouveau, de peser sur le sort du monde.

 

 

Charles-Louis Schulmeister, 

Le 8 messidor de l’an CCXXVII de la République française 



27/06/2019
0 Poster un commentaire

A découvrir aussi